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Priver une salariée en congé de maternité d’une prime liée à l’exercice effectif de certaines fonctions n’est pas discriminatoire

Une salariée en congé de maternité ne peut pas prétendre au paiement d’une prime expressément subordonné à la participation active et effective du salarié à certaines activités spécifiques. L’employeur ne commet pas de discrimination en interrompant son versement durant le congé de maternité.

L’affaire : paiement d’un bonus suspendu pendant le congé de maternité

Dans cette affaire, l’annonce de la fermeture d’une succursale et du transfert de l’activité « export manager » à une filiale italienne du groupe avait donné lieu à un conflit résolu par la conclusion d’un protocole prévoyant le paiement d’un bonus de coopération aux salariés de la succursale chargés de coopérer avec les équipes italiennes pour leur transmettre un certain savoir-faire.

Une salariée avait bénéficié de ce bonus pendant plusieurs mois avant que le versement n’en soit suspendu pendant son congé de maternité. Elle avait alors saisi les prud’hommes en invoquant une discrimination fondée sur l’état de grossesse, mais elle n’a pas obtenu gain de cause.

Maintien de revenus équivalents pendant le congé de maternité ?

Pendant la durée du congé de maternité, la salariée ne bénéficie en principe que des indemnités journalières de la sécurité sociale (c. séc. soc. art. R. 331-5), mais certaines conventions collectives prévoient le maintien intégral du salaire par l’employeur, déduction faite de ces indemnités.

C’était le cas de la convention collective applicable à l’espèce.

S’il est clair que le salaire de base doit être maintenu, qu’en est-il des autres éléments de rémunération (prime, gratification, indemnité), comme le bonus de coopération prévu dans cette affaire ?

Tout dépend, en réalité, des conditions d’octroi de la prime ou du bonus en cause.

Droit d’exclure une prime liée à l’exercice effectif de fonctions spécifiques

La Cour de cassation a déjà jugé que la réduction ou la suppression de la prime de fin d’année ou d’assiduité d’une salariée en raison de son absence pour congé de maternité n’était ni discriminatoire, ni illégale (cass. soc. 11 avril 1991, nos 87-41975 et 87-42347, BC V n° 185), à condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution (cass. soc. 1er décembre 2016, n° 15-24694 D).

Elle revient ici sur le sujet en précisant que cela vaut pour un bonus expressément subordonné à la participation active et effective de la salariée à certaines activités, à savoir dans cette affaire les activités de transfert et de formation continue des équipes italiennes en France.

La Cour de cassation relève en effet que cette prime, qui répondait à des critères de fixation et d’attribution objectifs, mesurables et licites, était destinée à rémunérer l’activité spécifique d’accompagnement du transfert et à récompenser le service rendu à ce titre.

L’employeur pouvait donc, en toute légitimité, considérer que ce bonus n’était pas dû à la salariée pendant son congé de maternité, faute pour elle d’avoir exercé les fonctions spécifiques dans les conditions particulières prévues par le protocole de fin de conflit.

Il est important de souligner que la prime doit impérativement répondre à des critères de fixation et d’attribution objectifs, mesurables et licites afin d’en conclure que la salariée en congé de maternité n’en remplit pas les conditions d’attribution.

Jurisprudence respectueuse des règles européennes

Cette décision de la Cour de cassation respecte pleinement les textes et la jurisprudence européenne protectrice des salariées enceintes ou en congé de maternité.

De fait, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé à plusieurs reprises qu’une salariée ne pouvait pas se fonder sur la directive du 19 octobre 1992 assurant la protection des femmes enceintes, accouchées ou allaitantes au travail pour revendiquer le maintien de sa rémunération dite « intégrale » pendant son congé de maternité, comme si elle occupait effectivement, comme les autres travailleurs, son poste de travail (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-335/15).

Cass. soc. 19 septembre 2018, n° 17-11618 FSPB

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